▬ tes parents t'aimaient.
évidemment qu'ils t'aimaient ; comme ils m'aimaient moi. mais tu sais, tu avais raison ; ils m'aimaient plus que toi.
et cette simple observation, ce simple fait, t'a démoli.
et t'as jamais su remonter les pièces, t'as jamais su recoller les morceaux de ton coeur, jamais su grandir, aussi.
t'avais besoin qu'on t'aime, et pourtant, ça n'a jamais été toi. c'était toujours quelqu'un d'autre ; tu as toujours été le numéro deux, tout au plus. le laissé pour compte, dans le pire des cas.
et ça, c'est le drame de ta vie.

▬ elle était mignonne, anna ; j'ai su d'un simple regard que tu ne l'aimerais pas comme on te demandait de l'aimer. j'ai su tout de suite que tu l'aimais comme tu aurais dû m'aimer moi. ça m'a fait mal. c'est moi ton frère, kei, tu sais ? c'est moi. pas elle. elle, c'est censé être ta fiancée, ta future femme ; pourquoi tu ne le comprends pas ?
c'est moi ton frère.
moi.

▬ elle a disparu. je l'avoue, j'étais mécontent qu'elle m'éclipse ; mais un simple regard vers ton visage, et j'ai tant, tant regretté.
oh, si tu savais.
je suis une personne horrible ; tu es né pour moi, et même quand ma vie m'est pleinement revenue, j'ai continué de vouloir que tu vives pour moi.
mais anna, elle, ne prenait pas ; elle te donnait, aussi. elle t'aimait, anna.
comme on aime un frère.
comme j'aurai dû t'aimer.
et maintenant, elle est morte.
et les miettes de ton coeur se sont dispersées.

▬ tu as disparu.
comme elle.

▬ onze mois que l'on a plus aucune nouvelle ; et soudain
te voilà.
te voilà sur le pas de la porte, le visage pâle, l'air d'un fantôme. tes mains tremblent, ton regard longe le sol. j'entends papa et maman hurler ; ils étaient fous d'inquiétudes, désespérés -
ils pensaient que tu l'avais rejointe.
tu vois ? tu vois qu'on t'aime ? je me suis avancé vers toi ; papa et maman continuaient de crier. je me suis contenté de te prendre dans mes bras.
je serai un bon grand frère maintenant, d'accord ?

▬ tu as quitté yuei. papa et maman n'ont rien compris ; moi non plus. tu étais dans une école prestigieuse, pourquoi partir ? tu n'as rien voulu dire. à personne.
et dans ton regard, je jurerais avoir vu de la culpabilité.
beaucoup trop.

▬ qui est ieyatsu ? parfois, j'entends son nom dans ton sommeil. tu le murmures et parfois, ton visage n'exprime rien d'autre que de la douleur.
tu as mal kei, tellement mal
qui est ieyatsu ?
quelqu'un que tu aimais ?
quelqu'un qui t'a blessé ?
que tais-tu, kei ?

▬ tu m'as regardé très clairement, et soudain, c'est sorti, comme ça, violemment.
tu crois que l'on m'accepterait ? malgré l'abysse que je suis ? malgré mes crimes ?
quels crimes kei ?
qu'as-tu fais ?
que s'est-il passé, pendant ces onze mois ?
tu n'avais que seize ans, kei. les choses peuvent se réparer, tu peux te racheter, quelques soient tes actes.
j'y compte bien as-tu soufflé ; et tu n'as plus rien dit.
qu'as-tu fais, kei ?
que vas-tu faire, à présent ?

▬ tu nous caches des choses.
encore.

▬ elle est revenue. personne n'a compris ce qu'il se passait ; mais elle est revenue. tu n'as pas attendu qu'on t'en donne l'autorisation ; tu es parti en courant.
papa et maman t'ont suivi - ils avaient peur que tu disparaisses peut-être - ils ont voulu te calmer.
mais tu n'entendais plus rien
tu murmurais des choses incompréhensibles
en transe.
pouvait-elle te pardonner, elle ?
je crois que c'est la question que tu te posais.
je ne comprends pas.

▬ anna va bien ; et un peu de ta douleur semble s'être allégée.
tu ne vas pas bien ; tu vas juste mieux.
comme elle ; elle ne va pas bien non plus.
vous ressemblez à deux naufragés ; mais qui connaît vos errances ?